La mère morte / Blandine de Caunes

La mère morte / Blandine de Caunes
Editions Stock, Le livre de poche, 2020, 259 p.

# Roman

Extrait

 Quand Colombe nous rejoint au salon, elle est bouleversée car maman, soudain, a dit : « Oh, mais c’est terrible, terrible… En plus c’était sa fille unique. » Elle parlait forcément de moi, puisque je suis la seule à avoir une fille unique. Donc elle sait, par moments en tout cas. Elle sent, elle ressent, car évidemment l’atmosphère est lourde, pesante : notre chagrin et nos larmes sont tout le temps-là, refoulés ou pas. Alors, lui dire ou ne pas lui dire ?

Toute la journée j’entends Pauline répéter maman – maman par-ci, maman par-là… J’envie tellement Lison. Plus jamais on ne m’appellera maman, et j’aimerais tant encore l’entendre, ce mot unique. Et j’aurais dû l’entendre encore si longtemps, et peut-être même sur mon lit de mort, et il me semble que la mort aurait été plus douce. 

Présentation

Ce livre est un témoignage qui invite à entrer dans l’émotion brute de Blandine de Caunes qui accompagna la fin de vie sa mère, Benoîte Groult. Romancière, journaliste et militante féministe très active à la fin des années 1970 et dans les années 1980, Benoîte Groult est diagnostiquée d’une maladie d’Alzheimer après ses 90 ans. Adhérente engagée de l’Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité (ADMD) elle bénéficiera d’une euthanasie illégale sur le territoire français en 2016. En parallèle à l’accompagnement de sa mère, Blandine De Caunes perd sa fille dans un accident de la voie publique. À travers La Mère Morte l’auteure nous invite ainsi à réfléchir au terrible double sens qui la frappe pendant la rédaction de ce livre écrit comme un journal intime : perdre sa mère et son rôle de mère. Cette lecture se veut transparente, sans détours, au plus proche du ressenti émotionnel. L’authenticité du récit est facilité par une écriture simple qui nous pousse à lire ce livre d’une traite. On y retrouve des relations familiales mises en mouvement par la maladie et des non-dits enracinés dans le passé. Blandine De Caunes présente également la relecture de son existence à la lumière d’une maturité nouvelle dans une période de deuil. Elle interroge le sens de la vie de la personne atteinte d’une maladie neuro-évolutive et le sens de sa propre vie dans ce contexte.

J’ai aimé l’humilité de l’écriture et l’authenticité de ce récit. J’ai été intéressé par la question de l’accès à l’euthanasie, sujet brûlant d’actualité en 2023. Les coulisses de la célébrité, les tensions familiales, l’émotion marquée dans ce récit sont autant d’éléments qui ont participé de mon plaisir à le lire.

Par Valentin Naudé-Diaz, psychologue coordinateur Inter-Établissements COMPAS