Nomadland / Chloé Zhao

Nomadland / Chloé Zhao
2020, 1h43

# Film

Présentation

Il existe toutes sortes de villes. Certaines, bâties loin au milieu de nulle part, sont des villes éphémères qu’un seul fil relie au monde : que ce fil vienne à se rompre, et la ville disparaît des cartes mêmes de l’administration. Ce fut le destin de la ville d’Empire, au Nevada, une « company town » qui a « fermé » lorsque l’exploitation du gisement de gypse à laquelle elle devait sa création fut abandonnée. Les habitants se virent alors contraints de vider les lieux, et de trouver un nouveau port d’attache. A moins qu’ils n’aient fait le choix, comme Fern, du nomadisme. Fern vient de perdre son mari ; au volant de la camionnette qu’elle a aménagé, elle parcourt les immenses espaces de l’ouest américain, vivant de petits boulots dans de grandes entreprises. Elle fait ainsi la rencontre d’une communauté de nomades ayant, comme elle, choisi le nomadisme et la précarité. Au gré des liens prudents qui se nouent, se découvre une galerie de compagnons que la maladie, le deuil et les blessures de la vie ont décidé à prendre la route.

Le rythme du film, la beauté des paysages vus tantôt à l’aube tantôt au crépuscule, sont comme les bornes du douloureux travail d’acceptation qu’affrontent ces oiseaux migrateurs d’un nouveau type, roulant, dans un présent incertain, un passé qui ne veut pas passer. C’est une communauté de perdants, au double sens de la perte qu’ils ont subie et de la marge précaire dans laquelle ils vivent, paradoxalement liés par leur désir de ne plus s’attacher, aussi bien que par leur renoncement à une existence ancrée. Un mode de vie sédentaire et rangé ne les ferait qu’étouffer sous l’ancre trop lourde qu’ils portent. Ces itinéraires solitaires, émaillés de rencontres, de séparations et de retrouvailles passagères, interrogent aussi l’articulation entre les valeurs d’individualisme et d’autonomie d’une part, et celles de solidarité et d’entraide d’autre part.

Nomadland est le troisième film de Chloé Zhao ; il a reçu de nombreux prix et récompenses dans les festivals. La thématique du deuil y apparaît comme un questionnement central pour la réalisatrice, puisque ses deux premiers longs métrages portaient déjà sur ce sujet. Son prochain film est annoncé dans les cinémas français pour le mois de janvier 2026… Il y sera question du deuil d’Agnès et William Shakespeare après la mort d’Hamnet, leur fils de onze ans.

Invitation de Ronan Rocher, documentaliste