Consolations. Celles que l’on reçoit et celles que l’on donne / Christophe André
Consolations. Celles que l’on reçoit et celles que l’on donne / Christophe André
L’Iconoclaste, 2022, 330 p.
# Essai
Extrait [Consolations de l’aube]
Quiconque a fait l’expérience d’une maladie grave sait à quel point la nuit est angoissante. Comme les actions et les interactions y sont raréfiées et suspendues, la souffrance et l’inquiétude prennent toute la place dans l’esprit de la personne malade. On n’ose pas toujours appeler au secours ; et parfois, si l’on est seul chez soi, il n’y a pas de soutien disponible ; alors on attend l’aube, et le soulagement de voir le jour arriver, apportant avec lui son lot de micro-consolations, de présences humaines, de soins, de sourires, de mots simples échangés. Je me souviens d’un ami hospitalisé me racontant comment il prenait plaisir au petit matin à réentendre les paroles prononcées à voix haute dans les couloirs par les soignants, à observer les passants dans la rue depuis sa fenêtre : « Je savais bien que ma maladie était toujours là, que la souffrance allait continuer, que le retour du jour n’allait pas annuler mes ennuis, mais je ne me sentais plus seul au monde : avec l’aube revenaient le mouvement et le bruit de la vie, qui me consolaient mieux que l’immobilité et le silence de la nuit. » A l’image de la belle parole de Goethe, dans Faust : « Pour guérir, prends confiance dans le jour ressuscité … »
Par Béatrice Forest, psychologue clinicienne
Présentation
Consoler, se consoler, être consolé. Puisque l’adversité est inhérente à la condition humaine, la consolation est un « besoin humain fondamental » (1). Voici le message que le psychiatre, Christophe André, spécialiste des émotions, tient à nous délivrer après avoir lui-même « basculé dans le monde des patients en danger vital » (2).
La consolation est tout ce qui soulage nos peines dues à des évènements que l’on ne peut pas changer. C’est aussi tout ce qui nourrit l’élan vital, l’aspiration à aller de l’avant après avoir renoncé à résister aux émotions qui s’imposent à nous dans le malheur, après avoir traversé le chagrin.
Tout comme la compassion, l’aptitude à consoler est innée. Néanmoins, elle demande à être développée. Comment ?
En cultivant certaines qualités telles que l’attention à l’autre, la sincérité, la patience, le tact, l’humilité, la tendresse… pour consoler autrui de la manière la plus juste possible, pour l’accompagner à son rythme vers la sortie de l’isolement que la détresse inflige, pour lui insuffler de l’espoir.
En apprenant à mieux nous connaître, à identifier ce qui nous ressource, nous relie au monde, aux autres et à nous-mêmes (nature, lecture, écriture, musique, méditation, marche…) pour nous consoler nous-mêmes.
Quant à la capacité à se laisser consoler, elle nécessite de faire taire nos ressassements, d’accepter avec humilité notre fragilité pour nous laisser consoler.
Tout au long de son livre, Christophe André illustre et argumente son propos.
Il prône par ailleurs ce qu’il nomme le « développement pré-traumatique » qui consisterait à se préparer petit à petit à la souffrance à venir ( maladie, vieillesse, mort). Il s’agirait d’apprécier la vie qui nous est donnée pour ce qu’elle est : une succession de bonheurs et de pertes. «… il est très important d’être lucide quant à l’adversité. C’est justement parce que la vie est dure qu’il importe d’être nourri par cette confiance qu’elle peut aussi être belle. » (2)
Prendre acte que nous ne sommes pas tout-puissants, s’émerveiller, pratiquer la gratitude seraient autant de voies à emprunter.
Par Béatrice Forest, psychologue clinicienne
(1) “Vivre avec les orages” / Propos de Christophe André recueillis par Pauline Tressols, in Sciences Humaines, avril 2022, n°346
(2) Interview de Christophe André par Alexandre Lemasson, in L’Eléphant, juillet 2022, n°39