Du bon usage de la compassion / Jacques Ricot

Du bon usage de la compassion / Jacques Ricot
PUF, 2013, 56 p.

# Essai

Présentation

Cet ouvrage s’adresse aux lecteurs à la recherche d’un regard philosophique sur les enjeux
éthiques du soin.

Qu’est-ce que la compassion ? Jacques Ricot en explore les différentes facettes et s’interroge : que devient cette disposition naturelle à être touché par la souffrance d’autrui quand elle se déploie sans limite, sans prise de recul, sans repères éthiques ?


La compassion survient instinctivement au contact du malheur d’une autre personne. Ce sentiment déclenché par l’infortune d’un autre met en mouvement, pousse à agir pour lui apporter du soulagement.


Mais, comment agir de manière juste pour apaiser ? Jacques Ricot nous met en garde contre la
tentation de décider pour l’autre, de vouloir pour l’autre, de ne pas tenir compte de l’autre, en
oubliant notre propre vulnérabilité.


Mais la souffrance doit-elle être diminuée autant que faire se peut, ou bien, parce qu’elle nous est insupportable émotionnellement, doit-elle être supprimée quels que soient les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir ? Cela dût-il mettre en cause des interdits qui fondent la société. Jacques Ricot pense que pour être éthique, l’acte se doit d’être éclairé par la réflexion, mis en perspective au regard d’une norme. Il s’agit d’avoir la force de regarder la souffrance en face, de résister au désir de toute-puissance, de penser la complexité de la situation, c’est-à-dire ses enjeux au niveau individuel ( coût psychique par exemple) et au niveau collectif ( impacts sociétaux, aspects juridiques, …).


La réflexion de Jacques Ricot nourrit la nôtre, en particulier, à propos du débat sur l’aide active à mourir.

Par Béatrice Forest, psychologue clinicienne

Extrait

La concurrence lexicale est rude pour exprimer le sentiment éprouvé devant le malheur d’autrui. Sont en compétition : la compassion, la sympathie, la sollicitude, la pitié, la charité, la commisération, l’altruisme, l’humanité, la philanthropie, ou encore, dernier arrivé dans la langue mondialisée, le concept difficilement traduisible de care. Comme si cette multiplication terminologique était l’indice d’une recherche désespérée, grâce à un mot enfin approprié, d’une idée adéquate, difficile à établir en raison des écueils rencontrés autour de la notion elle-même et de son rôle dans la vie morale. L’on choisira ici l’entrée par la compassion, mais sans accorder à ce mot un privilège exclusif éliminant ses rivaux sémantiques qui, au demeurant, se comportent davantage comme des compagnons. Car si les termes que l’on vient d’énumérer ont chacun une histoire singulière et une signification propre, ils possèdent aussi des traits partagés, un air de famille et, souvent, une ambivalence qui les rapproche plus qu’elle ne les sépare puisque l’on s’accorde à dire qu’il existe une bonne et une mauvaise compassion, une bonne et une mauvaise pitié, une bonne et une mauvaise charité.