Ce que nous confions au vent / Laura Imai Messina

Ce que nous confions au vent / Laura Imai Messina
10/18, 2021, 236 p.

# Fiction

Présentation

Dans un pays qui pleure encore ses morts suite au tsunami dévastateur de 2011, Monsieur Suzuki, qui a perdu son fils, installe une cabine téléphonique dans son jardin situé sur une colline balayée par le vent. Cette cabine, ouverte à tous, existe réellement. Nombreux sont les japonais qui se rendent sur le mont Kujira-yama, pour soulager un peu leur peine en parlant à leur proche décédé : il suffit de décrocher le combiné, poétiquement nommé « le téléphone du vent ». Certains pleurent, d’autres restent silencieux, submergés par la douleur.

Beaucoup de familles n’ont pas retrouvé le corps de leurs proches, emportés par le tsunami. Monsieur Suzuki a ainsi souhaité contribuer à apaiser les êtres, avec humilité, en faisant de cet endroit un lieu d’échanges et de rencontres de personnes endeuillées. L’auteur explore la psychologie et les sentiments de chacun, ce qui peut surprendre dans un pays comme le Japon, où montrer ses faiblesses en public est considéré comme un manque de respect. A travers le récit des personnages, nous prenons part à leurs doutes, à leurs inquiétudes mais aussi à leurs petits bonheurs quotidiens, dans leurs propres chemins vers plus de sérénité et de goût à la vie. Entre chaque chapitre, il y a une petite bouchée de vie : des listes banales, un objet décrit, une courte conversation.

Ce roman aborde des questions que nous pourrions tous avoir : comment être en lien avec ceux que nous avons aimés et perdus ? Comment nous permettre de vivre et d’aimer à nouveau ? Ecrit avec une délicatesse et une poésie empruntant les voies de la suggestion et de l’évocation, comme peut le faire la culture nippone, ce livre, sans être larmoyant, brosse le tableau d’un monde intérieur et extérieur, imprégné à la fois de tragédie et d’espoir. C’est une réflexion croissante qui ne minimise pas la peine et la souffrance. Au contraire, chaque personnage, à son rythme, la conserve tout en la pansant pour avancer dans la reconstruction de son existence.

Par Isabelle Lafont, infirmière

Extrait

La vigueur avec laquelle le vent soufflait à Bell Gardia l’étonna : on aurait dit qu’il prenait son élan pour bouleverser le paysage. Elle se dit alors que la fonction du combiné n’était pas de canaliser les voix vers une unique oreille mais bien de les diffuser dans les airs. Et si tous ces morts, rappelés à la vie ici-bas, se tenaient par la main dans l’au-delà ? Et s’ils finissaient par nouer des liens et par vivre des histoires dont les vivants ignoraient tout ? …son enfant continuait-elle à marcher, soutenue par la main de quelqu’un d’autre ? …Comment expliquer autrement une telle grâce ? Ici, la mort semblait si belle…